#Autoroutes

Quand le trafic s’évapore

Selim Egloff  28. septembre 2023

La croissance effrénée du trafic automobile n’est pas inéluctable, ainsi que le prouvent plusieurs exemples. Gros plan sur un goulet d’étranglement.

À Saint-Gall, à hauteur du tunnel sous le Rosenberg, l’A1 est une autoroute urbaine. Les bouchons y sont fréquents, surtout aux entrées dans la ville et à ses sorties. Ruedi Blumer, président de l’ATE, en connaît la cause principale: «Le système de transport en ville est surchargé, incapable d’absorber autant de voitures.»

Dans le cadre du développement du réseau des routes nationales, la Confédération planifie à cet endroit de supprimer le goulet d’étranglement pour 1,25 milliard de francs. De nouveaux tunnels et une nouvelle sortie reliée directement au centre-ville doivent remédier au surplus de trafic. Or, l’espace disponible dans le chef-lieu restera le même. «Même la planification test réalisée par le canton a montré que les rues ne pourront pas assimiler la circulation supplémentaire ainsi générée», soupire Blumer. Pourtant, la Confédération et le canton continuent de voir dans le bétonnage la seule solution aux problèmes du trafic individuel motorisé.

Les inquiétudes sont montées d’un cran quand on s’est rendu compte qu’à cause des travaux, la capacité de l’autoroute allait diminuer d’environ 10 % pendant six ans à partir de 2021. Ruedi Blumer s’en souvient: «Dans la région, beaucoup de gens redoutaient le chaos en ville.» Le canton et la Confédération ont donc lancé en 2021 une coûteuse campagne d’information. Sensibilisées, plus d’une cinquantaine d’entreprises ont remis des billets de transports publics à prix réduit à leur personnel. Apps d’information, radio, SMS et médias sociaux ont servi à interpeller directement la population. Et «Fredi Vogl», mascotte et personnage de bande dessinée créé pour la campagne, serinait allégrement : «Tout le monde s’y met! Ne laissons aucune chance aux bouchons!»

 

Étude scientifique

Une thèse de doctorat – collaboration entre Transitec et le Laboratoire de sociologie urbaine (LaSUR) de l’EPFL – porte sur quatre années d’investigation pratique et scientifique du phénomène d’évaporation du trafic: infoscience.epfl.ch/record/297524

    

Argument contre l’extension

La circulation a baissé de 13 % aux heures de pointe, on a constaté un report partiel des déplacements vers les transports publics, et une part du trafic s’est tout simplement évaporée. Aucune surcharge du réseau routier environnant n’a été relevée. «L’OFROU a très efficacement balayé son propre argument de l’augmentation inéluctable du trafic. Des mesures intelligentes ont même permis de l’inverser », sourit Ruedi Blumer. «L’ATE n’aurait pas pu faire mieux avec ‹Uli Uhu›, le personnage de BD imaginé en réaction.»

En science des transports, un tel phénomène s’appelle «évaporation du trafic» ou «trafic déduit». On le définit comme la réduction et le transfert modal des déplacements, grâce à l’adaptation du comportement d’usagères et usagers quand les conditions changent. Un aspect important à cet égard est la communication vis-à-vis des personnes concernées ainsi que la prévention du trafic d’évitement, ce que la saturation du réseau routier garantissait déjà à Saint-Gall. Mais la Confédération et les cantons restent sourds aux conclusions scientifiques, préférant s’en tenir mordicus à leurs programmes d’extension dans toute la Suisse. Contre la volonté de l’ATE et, à Saint-Gall, du Parlement de la ville. «Il est donc logique de lancer un référendum», réagit Ruedi Blumer.

    

28. septembre 2023


Selim Egloff, Responsable de projets Politique des transports

    

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